La théorie de la casserole antiadhésive

Je suis une personne très visuelle et pour m’aider dans certaines situations, j’associe des images dans ma tête. Je travaille avec des aînés près d’une vingtaine  d’années. Je m’investis énormément dans mon travail et aussi auprès de la personne que j’assiste. Si vous travaillez dans une profession de soins ou dans un domaine où vous offrez beaucoup de vous-même ce visuel pourrait peut-être vous aider.

Malheureusement, le décès joue un grand rôle dans mon travail avec les personnes âgées et parfois  cela est très dur à accepter. Les aînés sont pour moi des êtres bien vivants et non des mourants ambulants. Les personnes âgées me nourrissent profondément et m’offrent toujours de très bonnes leçons de vie.  C’est un privilège pour moi de partager ce temps précieux avec eux. Aujourd’hui, je vous partage des moments difficiles où ma théorie de la casserole antiadhésive vient me porter secours.

En aidant les aînés à se reloger, je visite de multiples de résidences avec différents clients, et parfois je croise un client qui vient d’aménager pendant que je suis accompagnée d’un autre client.  Cela est amusant quand ça se produit. Là où ce n’est pas plaisant, c’est lorsque je visite un appartement vide avec un client qui est à la recherche d’une nouvelle adresse et que cet appartement dans lequel nous nous trouvons est vide suite à un décès, et que ce décès était celui d’un de mes clients. Cela est déjà arrivé. Et ce moment est très ébranlant.

À un autre moment, j’ai aidé un couple à se reloger dans une résidence. Aux heures de repas, à la salle à manger, ils s’assoyaient à la même table et à la même place.  À quelques reprises, je les avais revus et je connaissais donc la place de chacun.  Un jour durant une visite de cette résidence avec un nouveau client à l’heure du repas,  j’ai constaté que madame était seule à sa table. J’ai appris par la suite que monsieur était décédé. Cela m’a attristé de savoir que sa vie avait changé, sachant que son compagnon de vie ne partageait plus sa table ni son quotidien.  Quelques mois plus tard encore, lors d’une nouvelle visite à l’heure du repas dans cette même résidence, la table était vide. J’avais su que madame aussi était décédée. De voir madame assise seule m’a vraiment attristée, mais de voir la table vide était encore plus difficile. Ces deux personnes ont croisé mon chemin, monsieur et madame ont nourrit mon âme, et aujourd’hui je profite de la société qu’ils ont aidé à bâtir et maintenant leur table est vide.

Ces moments vécus représente chaque fois pour moi la fragilité de la vie et augmente mes défis et me font constater que MAINTENANT est le meilleur moment de notre vie, car on ne sait jamais quand elle s’éteindra.

Le tout peut sembler déprimant mais les bons moments surpassent de beaucoup les mauvais.

Pour m’aider à garder mon équilibre, pour avoir la capacité de bien vivre la prochaine situation et de ne pas me laisser envahir par des pensées de tristesse,  je vois en image une casserole antiadhésive. Ce type de casserole permet de cuire un œuf, l’œuf colle quand il a besoin de coller mais dès qu’il est cuit, il s’enlève facilement. Et plus on se sert de cette même casserole antiadhésive, plus elle relève le goût et rend la saveur plus profonde.

Cette vision m’aide beaucoup dans mon travail, je donne tout ce que je peux à la personne que j’assiste, mais à un moment donné je dois me détacher de mes sentiments accablants et repense à ma bonne « poellonne ».

Plusieurs personnes me mentionnent que c’est super dur de travailler dans une profession à cœur ouvert et de faire face régulièrement à ces situations difficiles. Quand je leur partage ma théorie de la casserole antiadhésive, ils me disent que cette image les aide. J’espère que vous pourrez en profiter tout autant.