Cette année a été une grande année pour moi en tant que leader d’opinion — et je dois en partie cette évolution à une petite modification apportée à un mot.

Le champ d’action de Services d’Aide aux Aînés est plutôt étroit : ma tâche consiste plus particulièrement à assister les personnes âgées lorsqu’elles sont confrontées à un changement au niveau de leur autonomie ; lorsqu’elles commencent à envisager de vieillir à la maison ou de déménager. Parfois, la maison et tout ce qu’elle comporte devient trop lourde à gérer et d’autres fois, adapter la maison pour continuer à y vivre représente la meilleure solution. Quel que soit l’endroit choisi pour vieillir, mon but est d’aider les aînés à vivre avec le plus d’indépendance possible, à se sentir en sécurité et à s’épanouir au cours de cette nouvelle étape de leur vie. Beaucoup de nouveautés accompagnent ce cheminement : pour les personnes âgées elles-mêmes, pour leur famille et leurs amis, ainsi que pour tout le système de soutien. Toute ces nouvelles choses donnent lieu à beaucoup d’émotions, parfois aussi à une sensation de fragilité et très souvent au sentiment de ne pas savoir par où commencer. Au fil du temps, certains blocages surviennent aussi.

Auprès de mes clients âgés qui ont peur d’être « mis de côté » ou « placés » en abordant cette nouvelle étape de leur vie, je suis témoin de plusieurs conversations vives, de paroles agressives, d’un langage corporel fermé ou encore de réactions d’évitement au fur et à mesure que l’éléphant prend de plus en plus de place dans la pièce.

Cette année, les conférences que j’ai données en tant que leader d’opinion ont été présentées à : des organismes de soutien des personnes âgées autour du sujet « Vieillir à la maison en s’allégeant » ; aux personnes âgées elles-mêmes sur divers sujets concernant le vieillissement à la maison et/ou les modes de vie à la disposition des aînés ; à mes confères et à mes consœurs qui œuvrent dans le domaine de la gestion du déménagement autour de « L’expérience client : personnaliser son approche » ; à des employés à travers un programme de soutien à l’emploi intitulé « Comment exceller en tant que proche aidant à distance » ainsi que « Stratégies pour bien vieillir à domicile » ; un article dans un quotidien francophone apportant certaines précisions sur le fonctionnement des résidences pour personnes âgées…  Du personnel soignant en passant par les enfants des aînés, les professionnels du milieu ou encore les personnes âgées elles-mêmes, j’ai partagé mes convictions et ma vision qui sont le fruit de 24 années d’expérience.

Cette année, les voyages professionnels m’ont menée aux Pays-Bas où j’ai visité The Hogeweyk – le célèbre village dédié aux personnes vivant avec la démence – et où je me suis longuement entretenue avec sa directrice. Ensuite, à l’occasion de la Journée internationale des personnes âgées, je me suis rendue aux Îles-de-la-Madeleine pour faire une lecture de La Place de Mamie, puis à Kansas City afin d’y prononcer une conférence devant la National Association of Senior and Specialty Move Managers. Enfin, dernier déplacement mais non des moindres, je suis allée à Toronto pour réaliser une présentation d’affiche à l’Association canadienne de gérontologie.

L’évolution s’est faite étape par étape, mais la présentation d’affiche fut le moment le plus difficile à atteindre. Le défi en valait la peine. Ma présentation qui a été retenue portait le titre « L’importance de nos mots lorsqu’une personne âgée fait face à un changement d’autonomie ». Je suis profondément convaincue que les mots que nous employons couramment jouent un rôle majeur sur la façon dont les personnes âgées abordent cette étape de la vie. Comme il a été difficile de réduire à seulement quelques mots 24 années passées sur le terrain afin d’illustrer les divers objectifs, méthodologies, conclusions et directions à venir ! Ce sont les discussions animées autour de tous les petits réglages à faire pour exprimer le plus clairement possible ma pensée qui ont eu un impact majeur.

Sur l’affiche, le mot « intimidation » représentait le mot-clé de la section méthodologie consacrée aux pouvoir des mots : on « place », on « met », on « pousse », on « force », il n’y a « pas d’options »… En effet, il y a beaucoup d’intimidation lorsqu’une personne âgée est confrontée à un changement au niveau de son autonomie. Puisque chaque mot compte, celui d’« intimidation » a été remis en question par l’équipe qui travaillait sur l’affiche car celui-ci ne semblait pas adéquat. Nos débats nous ont mené à un terme encore meilleur : le bulldozage.

Oui ! Bulldozage a non seulement un fort impact visuel, mais il reflète parfaitement ce que j’observe lorsque les personnes âgées font face à un changement d’autonomie et qu’elles essaient de trouver un moyen de s’adapter à cette nouvelle réalité. [Merci chère équipe !] Mon but est de faire changer tout cela. Si, cette année, la recherche d’une plus grande précision nous a permis de grandir, en 2024, faisons en sorte de ne plus « bulldozer » les personnes âgées et de leur redonner du pouvoir.

Aidons les aînés à s’adapter, s’ajuster, se reloger, déménager, trouver des solutions, explorer des options et/ou trouver l’endroit qui leur convient et qui leur permet de s’épanouir pleinement.

Un mot à la fois. Je crois fermement qu’un changement est possible et que celui-ci peut faire en sorte que les personnes âgées soient considérées pour ce qu’elles sont aujourd’hui et non pas pour ce qu’elles ont perdu.

 

-Marie-Claude Giguère

Consultante de Déménager ou non ?